Depuis le 1áµÊ³ juillet 2025, une nouvelle TVA sur les frais d’inspection et de contrôle des véhicules d’occasion importés est entrée en vigueur et suscite une levée de boucliers parmi les importateurs et les transitaires.
Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle taxe sur l’importation des véhicules d’occasion au Cameroun, tout un pan de l’économie informelle et entrepreneuriale se voit fragilisé. Désormais, chaque véhicule d’occasion importé sur le territoire camerounais est soumis à une « taxe sur la vérification à l’importation », fixée à 29 813 FCFA, TVA comprise. Ce montant couvre deux prestations jugées indispensables, à l’instar de la vérification effectuée par la société générale de surveillance (SGS) et du contrôle d’identification obligatoire, le tout centralisé via le guichet unique du commerce extérieur (Guce). La nouveauté réside dans l’assujettissement de ces frais à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Autrement dit, une TVA de 19,25 % est désormais intégrée à ce poste de dépense, venant s’ajouter à la TVA déjà prélevée sur la valeur du véhicule lui-même lors de son entrée en douane.
Pour les nombreux Camerounais qui vivent de l’importation de véhicules usagés (un marché extrêmement dynamique dans le pays), cette nouvelle taxe constitue « un coup dur ». À chaque étape, l’importateur voit le coût d’entrée s’alourdir. « C’est une goutte de plus dans un vase déjà plein », s’insurge Jules Ngassa, importateur à Douala depuis plus de dix ans. « Nous n’avons cessé d’alerter sur la pression fiscale croissante qui pèse sur notre secteur. Beaucoup d’entre nous travaillent avec des marges très réduites. Avec cette nouvelle taxe, soit on répercute le coût sur le client, soit on met la clé sous la porte. » Selon les estimations de plusieurs transitaires, cette mesure pourrait entraîner une hausse moyenne de 50 000 à 80 000 FCFA par véhicule, une fois toutes les charges annexes réévaluées. « Ce n’est pas qu’une taxe de plus, c’est une logique de précarisation continue », explique Josiane Ewane, transitaire au port de Douala. « L’État pense uniquement en termes de recettes immédiates, sans mesurer l’impact à long terme sur la compétitivité des petits entrepreneurs » a-t poursuivi.
Le marché de l’automobile d’occasion représente une part substantielle des importations au Cameroun. Dans ce contexte, un large écosystème s’est développé : importateurs indépendants, transitaires, garagistes, laveurs de voitures, convoyeurs, plateformes de vente en ligne ou encore microentrepreneurs spécialisés dans la revente locale. Le ministère des Finances justifie pour sa part cette réforme par des impératifs de transparence et de sécurité. L’objectif affiché est de renforcer les contrôles à l’importation afin de lutter contre la fraude documentaire, la sous-déclaration de valeurs, et l’introduction de véhicules volés ou non conformes. La SGS, partenaire dans ce processus, joue un rôle clé dans la vérification de la conformité des véhicules avant immatriculation. Sur le plan fiscal, cette taxe s’inscrit aussi dans une dynamique de mobilisation accrue des recettes non pétrolières, dans un contexte budgétaire tendu. Le gouvernement cherche à élargir l’assiette fiscale en ciblant les niches encore partiellement régulées, dont le marché des véhicules d’occasion fait partie.
Derrière cette décision fiscale, certains entrevoient une volonté plus profonde de réduire la part de l’informel dans le commerce automobile, en encourageant l’importation via des circuits plus encadrés ou même en promouvant des véhicules neufs. Mais dans un pays où le pouvoir d’achat est très faible, cette orientation semble déconnectée des réalités. « Le Camerounais moyen ne peut pas acheter une voiture neuve à 20 millions de francs. Il se rabat donc sur les occasions, souvent à moins de 3 millions. En taxant davantage ce segment, on réduit l’accès à la mobilité pour toute une frange de la population », analyse un enseignant économiste de l’université de Douala qui a requis l’anonymat. Cependant, le risque est double. D’une part, l’explosion du marché parallèle et des importations frauduleuses ; d’autre part, une rareté progressive de l’offre sur le marché intérieur, avec pour corollaire une flambée des prix.
Charles Totchum