Le manioc, fer de lance d’une révolution économique et agricole au Cameroun

Le gouvernement camerounais projette une hausse significative à 10 millions de tonnes à l’horizon 2030, avec un rendement visé de 20 tonnes par hectare, selon la Stratégie de développement du secteur rural (Sdsr/Pnia 2020-2030).

C’est dans l’enceinte de la maison du parti de Bonanjo que s’est ouverte, le 24 juillet 2025, la deuxième édition du festival international du manioc baptisé « All Kassava 2025 ». Placé sous le thème « Booster l’économie locale par la mécanisation et l’entrepreneuriat jeune », l’événement a été marqué par une allocution forte et engagée du ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), mettant en lumière les perspectives économiques et les innovations structurantes autour de la filière manioc. En effet, culture de base dans l’alimentation camerounaise et africaine, le manioc occupe une place centrale dans la vision stratégique du développement agricole au Cameroun. En 2020, la production nationale était estimée à 5,7 millions de tonnes, générant environ 350 milliards de FCFA, soit une part substantielle du PIB agricole. Gabriel MBAÏROBE projette une hausse significative à hauteur de 10 millions de tonnes à l’horizon 2030, avec un rendement visé de 20 tonnes par hectare, selon la Stratégie de développement du secteur rural (Sdsr/Pnia 2020-2030).

Au-delà de sa contribution à la sécurité alimentaire, le manioc est de plus en plus envisagé comme un levier d’industrialisation rurale, grâce à son potentiel en produits dérivés (amidon, gari, fufu, cossettes, farine panifiable, etc.) et ses applications dans les industries pharmaceutiques, cosmétiques, textiles et brassicoles. « Le Manioc est une véritable mine d’or », affirme le ministre de l’Agriculture et du Développement rural. Pour lui, le Manioc représente une part substantielle du PIB agricole au Cameroun. Cependant face aux défis persistants liés aux techniques agricoles obsolètes, le gouvernement mise sur une modernisation profonde de la chaîne de valeur. Une série de réformes et d’initiatives ont d’ailleurs été annoncées par le Minader. Il s’agit tout d’abord du lancement du projet national de développement durable de la filière manioc. Ce projet ciblera les producteurs, femmes entrepreneures, jeunes agripreneurs, transformateurs, centres de recherche, startups agricoles et prestataires de services agricoles.

Une autre réforme qui ravit les entrepreneurs agriculteurs, c’est la norme NC 6334:2024 pour la farine de manioc panifiable. En effet, l’Agence des normes et de la qualité (Anor), en synergie avec le Minader, a établi une norme nationale pour la farine de manioc panifiable, un levier central de la politique d’import-substitution. Cette farine, issue du manioc doux ou amer, est désormais apte à être incorporée dans la fabrication de pain, de beignets et de pâtisseries. Ce standard national vise à garantir la qualité, l’hygiène, la sécurité et la compétitivité des produits finis. Il englobe la composition, les additifs, les contaminants, les exigences d’emballage, l’étiquetage et les méthodes d’analyse. Soulignons également qu’à l’issue d’une concertation tenue le 25 juin dernier, les boulangers et meuniers camerounais se sont engagés à introduire entre 4 et 5 % de farine de manioc dans la production du pain. Plusieurs artisans ont déjà lancé cette initiative, saluée par le public, qui plébiscite les produits locaux comme les pains, biscuits et gâteaux à base de farine mixte.

Une disposition fiscale incitative accompagne cette démarche. Celle de la suppression de la TVA sur la farine de manioc locale, inscrite dans la loi de finances 2025. « Cette mesure vise à stimuler la demande, réduire les coûts de production et favoriser la compétitivité du manioc face au blé importé », apprend-on. Le développement de la filière manioc s’inscrit pleinement dans la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30), qui fait de l’agriculture un levier majeur de transformation structurelle. Toutes ces mesures visent yréduire les importations,  créer des emplois, équilibrer la balance commerciale et renforcer l’indépendance alimentaire du pays. Dans un contexte de vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et de volatilité des prix des denrées importées, le manioc pourrait bien devenir un emblème de la souveraineté alimentaire et économique nationale. Pour y parveni, la mécanisation agricole est désormais considérée comme un enjeu stratégique pour améliorer la productivité, alléger la pénibilité du travail manuel et renforcer la résilience face aux aléas climatiques.

 Charles Totchum